Les bébés prématurés plus susceptibles de devenir des adultes introvertis

Les bébés pesant moins de 1,5kg ou nés avant 8mois de grossesse auraient davantage de chances de développer une personnalité inquiète et moins engagée socialement. Tels sont les résultats d’une étude anglaise qui plaide en faveur d’une intervention précoce visant à développer les capacités sociales de ces enfants.

Des chercheurs britanniques relient la prématurité ou un faible poids de naissance à des personnalités plus introverties.

La prématurité est-elle associée à des personnalités particulières ?Selon de précédentes études, les bébés, pesant un faible poids à la naissance (- de 1,5 kg) ou nés avant 32 semaines, ont un risque plus élevé d’avoir un quotient intellectuel (QI) plus faible ou de développer des symptômes autistiques.Mais les études qui s’étaient penchée sur la personnalité de ces enfants à l’âge adulte restaient peu nombreuses et parfois contradictoires. Pour y voir plus clair, une équipe de chercheurs du département de psychologie de l’université de Warwick à Coventry (Royaume-Uni) dirigée par le professeur Dieter Wolke a suivi pendant de nombreux enfants nés dans la même zone géographique de Bavière (dans le sud de l’Allemagne) pendant plus de 20 ans.400 enfants issus de la même région suivis pendant 26 ansL’

étude1 a permis de suivre 200 adultes, maintenant âgés de 26 ans, qui étaient nés prématurément ou avec un faible poids de naissance. Tous ont fourni des informations permettant d’évaluer différents traits de leur personnalité. Ce groupe a été comparé à un autre “groupe témoin“ de 197 individus nés à terme et de poids normal. Tous ces nouveau-nés faisaient partie de l’étude longitudinale de Bavière (BLS) qui a suivi des enfants nés entre janvier 1985 et mars 1986.La force de cette étude réside dans la durée du suivi (une étude prospective sur 26 ans) circonscris à une zone géographique définie. Néanmoins, des différences entre les deux groupes existent : le groupe témoin présente plus de parents au statut socio-économique très élevé (35%vs 23,5%) et plus de couples mariés ou concubins (97,5 % vs 92,5 %). Par ailleurs, le nombre d’enfants inclus dans l’étude reste limité. Se basant sur une zone géographique limitée, on peut penser que les facteurs environnementaux sont les mêmes entre les deux groupes, mais on ne sait pas si ces paramètres sont plus péjoratifs pour les enfants prématurés que pour les enfants nés à terme (on ne sait pas dans quelle mesure, la prise en charge néonatale et éducative a pu accentuer, atténuer ou induire des différences entre les deux groupes).La prématurité serait associée à des personnalités plus introvertiesMais pour les auteurs (qui n’avouent aucune faiblesse dans leur étude), “Les résultats montrent que les bébés nés avec un poids inférieur à 1,5 kg ou avant le 8e mois de grossesse ont un risque plus important d’être des adultes avec une personnalité sociale discrète, facilement inquiets, moins susceptibles de prendre des risques, plus rigides et plus pauvres en communication“. Les scientifiques ont également constaté que ces personnes étaient moins enclines à consommer de l’alcool, à fumer ou à consommer des drogues. Plus d’introversion, de névroses et d’aversion pour les comportements à risque… des traits de caractère sans lien avec le QI globalement plus faible chez le groupe de faible poids de naissance ou prématurés. Des différences qui pourraient s’expliquer selon les auteurs, par plusieurs facteurs.Plusieurs hypothèses pourraient expliquer ce phénomènePhysiologiquement, les chercheurs pensent que ces comportements et cette personnalité peuvent être le résultat de changements dans le fonctionnement cérébral en raison de la naissance prématurée. Des modifications situées notamment dans le cortex frontal orbital qui est la région impliquée dans la réglementation sociale et la cognition. Récemment, d’autres chercheurs britanniques, du King’s College2, ont utilisé une IRM pour examiner certains “branchements“ (entre le thalamus, centre des réflexes émotionnels, et le cortex, fondamental dans de nombreuses fonctions cognitives) au niveau du cerveau d’enfants prématurés (47) par rapport à des enfants nés à terme (19). Ils avaient mis en évidence moins de connections cérébrales entre le thalamus et le cortex, mais plus avec une partie du cortex latéral impliqué dans le traitement des signaux du visage (lèvres, mâchoire, langue et gorge). Des différences qui pourraient être liées à un recours plus précoce au biberon ou au sein chez ces enfants prématurés et qui pourraient expliquer les difficultés de concentration et d’apprentissage de ces enfants.Les auteurs de l’université de Warwick citent également parmi les causes possibles, le grand stress néonatal auquel sont confrontés ces enfants durant les premiers jours de leur vie avec notamment de possibles altérations des fonctions métaboliques et endocrines.Enfin, l’environnement éducatif pourrait également jouer. “Cela peut également s’expliquer par le fait que souvent les parents d’enfants prématurés sont très investis et très protecteurs avec eux. D’où leur plus faible capacité à prendre des risques. Une étude rétrospective publiée en décembre 2011 dans la revue Developmental Disabilities Research Reviews3 avait déjà suggéré qu’un contrôle parental strict et restrictif pouvait engendrer des modifications dans les traits de personnalité, comme l’augmentation des névroses“, concluent les auteurs de l’étude.Selon eux, des interventions précoces visant à développer les relations sociales chez ces enfants permettraient de compenser l’impact négatif de leur personnalité plus introvertie sur leur vie future. Ces résultats vont dans le même sens que de précédentes études, mais ils méritent confirmation. De plus amples recherches seront nécessaires pour mieux identifier la ou les causes de ces différences.David Bême Sources :1 – Personality of adults who were born very preterm – Eryigit-Madzwamuse S, et al. Arch Dis Child Fetal Neonatal Ed 2015;0:F1–F6. – (

étude accessible en ligne)2 – Specialization and integration of functional thalamocortical connectivity in the human infant Hilary Toulmin et al. – PNAS, May 19, 2015, vol. 112, no. 20, 6485–6490 (

étude accessible en ligne)3 – Preterm birth: transition to adulthood –  Allen MC, Cristofalo E, Kim C. Dev Dis Res Rev 2010;16:323–35. (

abstract accessible en ligne)